samedi 24 juillet 2010

Pot-Pourri

Impressions vénitiennes

                        
                         Depuis la Ca d'Oro

Balade au gré des vents et des impromptus qui font la vraie saveur et la vraie qualité du voyage.
Balancement permanent. Défini - indéfini s’estompent.
Venise long tissu de soie odorant, se déroule lentement, heure après heure, doucement au fil des eaux, senteur marine qui flotte toujours dans l’air, en suspension.
Les allées et venues des bateaux, le vol hasardeux des mouettes et des goélands, le mouvement capricieux de l’eau qui vient tapoter le flanc des embarcadères ou des palais, les pigeons aventureux qui à vos pieds quelques miettes quémandent, le murmure de l’eau qui clapote, la lumière matinale idéale et, de loin en loin, la plongée régulière de quelque longue rame de gondole se détachant sur le vrombissement intermittent des vaporetti, immergent profondément dans une paix, infinie.
Les gondoliers, jeunes pour la plupart, blonds vénitiens ou bruns ténébreux, posent négligemment tout le jour avec décontraction, un rien lascifs, renversant la tête pour faire voler leurs mèches au vent avec un mouvement étudié, teinté d’un soupçon d’érotisme, pour peu que quelques regards se portent sur eux. Tout un art de la représentation !

                                     
                               Soleil vénitien matinal

Près d’un café vieillot et très cosy aux petits salons à fresques éclairées par des lampes corolles qui jouent dans les miroirs vénitiens, un vieux curé en soutane à laquelle s’accrochent encore des brins de paille et des grains de terre sèche, perdu sous les arcades, demande sa route dans cette Venise ondulante qu’il ne connaît manifestement pas et qui l’inquiète. Mais peut-on saisir ce mirage de ville lorsqu’on ne connaît que la terre ferme, solide et immobile sous le pas ?
Sur le Campo Nuevo, au centre duquel la fraîcheur de la fontaine attire continûment les passants, le seul et minuscule débit de boissons regarde ingénument les taliths qui vont et viennent entre l’entrée et la sortie de l’ancien ghetto. C’est là un bout lointain de Venise où le silence règne entre les cinq synagogues repliées sur elles-mêmes, invisibles, parfois, dans les ruelles torses qui sinuent pareilles à des courants d’eau vive brodée d’étoiles, de perles, de larmes et de rires dorés. Veine entaillée, la place se vide et se déverse, au soir naissant, vers Canareggio.

Brusque envolée de cloches. Le silence retombe. Clapotement de l’eau. Présente. Toujours. Assurément.


                                    
                             La Dogana et la Salute

Venise

Italie 98

Feu de paille

                                    
                                      Le Tibre

Odeurs de foin coupé et de terre sèche brûlée par le soleil du Latium . Fragrance fauve de la campagne romaine, belle. Des cyprès, toujours, et des pins parasols. Des cigales, encore. Cette herbe consumée et odorante. Une maison rustique, auprès d’un petit cours d’eau calme et ondoyant, qui se cache derrière ses moustiquaires. De grands carreaux de terre cuite cuivrés et lustrés, des murs patinés d’ocre et des étoffes, chaudes et chatoyantes, à profusion, des rêves de tiédeur. Il fait chaud.

Rome 96

Terres vésuviennes


                       De Naples à Paestum via Pompéi

La lave, durcie, brûlante et froide a conservé à Oplonti, qui joue des perspectives en trompe l’œil, sa beauté. Des centaures femelles d’un éclat incomparable musardent autour des eaux translucides d’un bassin de marbre blanc. Des fruits pulpeux, frais et juteux s’offrent dans des coupes de verre fin d’une transparence légère et éphémère qui n’a d’égale que celle du voile de mousseline négligemment jeté sur le compotier. Le jardin, en dégradé, se pare de plantes antiques et la table peutingérienne promet des rêves de pourpre et de gloire sur toutes les terres pompéiennes qui s’élancent gansées de lave le long des rivages apaisés de la mer vésuvienne.

Pompéi

Dans la courbe


                               Une courbe de l'Arno

De gris, de beiges, de bossages, de campaniles en flûte, de maisons encorbellées sur les flancs d’un vieux pont, de palais... trésors où toutes les couleurs, tous les ors, tous les sépias de la Renaissance se disent, se narrent et se déclinent sur des kilomètres de toile... Florence grand bateau à quai court le long de l’Arno.

Florence

Vallons

                            Une aile de Leonardi da Vinci

La route qui traverse les oliveraies monte calmement sous le soleil dans la poussière argentée des feuilles satinées jusqu’à Anchiano. La maison presque aveugle parle finement pour Leonardo.

Vinci

Italie 96

Horchata y chufa

Sur le paseo du soir la glace pilée tinte en sourdine dans les verres sous les étoiles tandis que du sol lentement montent les vapeurs du jour torride et blanc. Entre la main glacée refermée sur le verre et le pied chaud encore battant le pavé naît un suffocant contraste. Le sang surchauffé peu à peu tiédit et le corps apaisé goûte enfin la douceur revenue de la nuit andalouse.

Andalousie

Architecturée

Les couleurs des céramiques brisées, la transparence ou l’opacité de la pâte de verre, le béton travaillé en meringues démentielles ou en molles ondulations, l’audace serpentine conjointe à l’abstraction géométrique, font de cette ville marine une cité de fantaisie où l’angle droit côtoie la courbe.

Barcelone

Séché

Implacablement le soleil tombe toujours plus bas et plus profond dans la terre et dans les chairs, appesanties.

Madrid

Pourri

Quelques charognards planent de façon insistante haut dans le ciel et redescendent, toujours au même rythme. Je suis glacée.

Castille

Espagne 95

Dans les feuilles


Dans un entrelac de ruelles d’eau entre des maisons anciennes, étirées par le verre gris de leurs baies allongées telles des âmes en pleurs, faisant retentir le soleil brillant se brisant en myriades d’éclats, sur le polissage satiné de leurs fenêtres obscures, remontée des fleuves vers la mer.

Amsterdam 94

Acrostiches

                  Bauhaus à Weimar

Wagons de l’humanisme et de l’histoire
Ecorchée vive, vite pansée,
Idoine purgatoire
Musée, multiplié, référencé
Aux portes des enfers damnés,
Rires figés, écartelés.


                Bauhaus à Dessau

Beaux
Arts
Uniques
Hauts
Arts
Universeaux
Soleilleux


                                   Bauhaus à Dessau

Désert blanc
Etendue pleine
Soliloque des avant-gardes
Sempiternellement très hard
Âpreté saine
Unie, aimant.










Dérapage

"Modulator" de Moholy au Bauhaus de Berlin

Quelques pavés glissent sous le pas, à moins que ce ne soit le pied qui glisse sur quelques pavés luisants, de pluie, des villes traversées. Ne se laissent pas voir les couleurs de ce pays noir et blanc dont les villes conjuguent tous les gris de la terre, en une harmonie mate paravent du chaos qu’elles digèrent enfin, hoquetant, vomissant les déchets des excès derrière leurs façades, immenses estomacs, vides, qui retournent leur bile.

Berlin

Allemagne 94

Flottaison

Dans un entrelac de ruelles d’eau entre des maisons anciennes, prolongées par des galeries et des jardinets pleins de verdure et de fleurs clignant des yeux à quelque trompe-l’œil gothique, remontée lente des boulevards fluviaux jusqu’aux océans.

Strasbourg – Colmar 94

Mésaventure

Torture. Convulsions incontrôlables. Panique suffocante. Imaginaire apocalyptique : arbres foudroyés, mort par combustion … L’orage en forêt. Naufrage. Ruée vers l’auberge la plus proche, au milieu de la nuit profonde. Grogs sur grogs défilent, pendant des heures, pour noyer l’angoisse. Qui ne cessera qu’avec le jour lavé levant.

Forêt d’Alsace 94

Transfusion

                                                      
                                                                Le Danube

Large, lent, sombre et sobre serpente le Danube en ses berges dorées léchant superbement les ocres des murailles, derniers remparts dressés aux portes des plaines à blé et des Tatras superbes par lesquels lentement s’écoulent – hémorragies soudaines – à travers les brèches ouvertes les flots sanguinolents d’un pays qui se scinde, se vide, se démembre. Exsangue. Pantelant.

Bratislava – Slovaquie 89


Terezin


                        
                                Terezin : Tchécoslovaquie 1988

Mirage


                       Mirador

Furieusement, à travers les forêts de bouleaux défilant tels qu’en un mauvais rêve dans le brouillard matinal, nous chuintons. Furieusement, face aux miradors, qui hérissés de barbelés dominent le passage frontalier entre leur monde et le nôtre, coupant en deux la forêt aux troncs argentés, nous faisons halte.

Doucement, nous avançons, traversant ce no men’s land illusoire qui sépare et unit. Doucement, notre route reprenons entre les arbres frémissants qui ouvrent leurs ramures au ciel et à nos regards fixes pointant l’horizon pour dessiner déjà la ville qui brille, bohêmienne, là-bas, au loin, de tous ses toits pentus, de toutes ses artères saturées, de toute son histoire Mittle Europa, de tous ses boyaux ouverts, de tous ses visages opaques, comme autant de masques, dont elle se dépouille, un à un, patiemment, au premier regard.

Prague – Tchéquie 87 – 88

Photos de mhaleph, sauf "Mirador"

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