samedi 24 juillet 2010

Afrique I

Lettres d’Afrique



Mardi 03 Juillet 01

Après une nuit d’avion nous voici en Afrique depuis hier. La première chose frappante en mettant pied à terre c’est l’impression d’être immédiatement drapés dans une seconde peau venant se coller littéralement à la nôtre : enveloppement subreptice par une moiteur chaude qui ne nous quitte plus.




Le transfert hier de Mombasa à la côte a commencé à nous donner un aperçu significatif de l’Afrique avec la traversée des bidonvilles massés autour et dans la ville même. Les constructions en dur restent un luxe suprême même si elles sont le plus souvent très misérables.




Sur le bac faisant la jonction avec le continent au sud, et que nous avons pris pour quitter l’île de Mombasa, se trouvaient, outre quelques véhicules utilitaires, des charrettes à bras rudimentaires de paysans chargées de tomates, de choux , d’ignames, et de mangues, ainsi que des femmes écrasées par la charge de lourds ballots qu’elles transportaient sur leur tête fièrement dressée. Foule compacte, dense et bigarrée, tassée sur les côtés de part et d’autre du transbordeur.




Le trajet a alors commencé sur une quarantaine de kilomètres longeant la côte de l’Océan Indien. De bric et de broc des échoppes de planches, de tôles, de cartons, de torchis, à la fois boutiques de pacotilles diverses, de fripes et de tissus, de rétameurs, de fruits et légumes, débits de boissons, et habitations aussi, ont envahi les bords de la route fréquemment barrée de herses en chicanes, véritables défis pour les conducteurs.




Pour l’heure, au bord de l’océan Indien, de grasses végétations équatoriales conjuguant tous les verts africains, quelques singes facétieux courent, grimpent, sautent, agacent malicieusement quelques hominiens trop curieux de les “ apprivoiser”.

Samedi 07 Juillet 01

35° et 65% d’humidité dans l’air. Nous revenons de la réserve naturelle de Tsavo Est et Ouest.


Il faisait beau et chaud et la chance était avec nous puisque les animaux se sont montrés d’assez près pour la plupart. Girafes, éléphants, singes, zèbres, gazelles, impalas, oryx, dik-diks, buffles, lionnes et lions, oiseaux chatoyants et bien d’autres encore étaient au rendez-vous. Leur apparition en pleine brousse, au détour de la sèche savane, semble toujours magique et soulève bien des cris de surprise, de ravissement, d’étonnement, de curiosité comme si elle relevait de quelque étrangeté et bizarrerie. Entre les creux et les bosses des pistes et des routes tout juste praticables : observation de la faune et de la flore kenyanes; oreilles tendues aux bruissements des vastes étendues à la nuit tombée; froissements d’herbes, souffles repus des bêtes abreuvées au pied du lodge où nous avons dormi croisées ouvertes pour ne rien perdre des crissements des ombres.

Aube africaine, lumière rasante et couleurs contrastées prenant pour nous toute leur dimension durant les trente minutes de silence absolu, de respiration retenue et ténue qui accompagne les lionnes dans leur lent, patient et vigilant encerclement des buffles. Moment suspendu. Personne ne parle. Silence de l’Afrique au lever du soleil. Silence intérieur. Surprise et fascination. Vastes étendues à perte de vue, frisson, chaud et froid, ciel ombreux, et la terre qui s’étend à perte de mémoire.


Aux alentours de la réserve une poignée de Masaï descendus des hauts plateaux de Mara et d’Emboseli à la recherche d’eau et de pâturages dans la plaine de Nairobi. Au croisement de deux mondes. Bien que vivant selon leurs strictes traditions et pratiquant l’élevage ancestral, ainsi qu’un tout petit peu d’artisanat, ils savent déjà monnayer le contact. Il est fort peu probable que ceux-ci retournent jamais sur leurs territoires même si la sécheresse s’y fait moins rude un jour.


Dimanche 08 Juillet 01

Les beach-boys, petits africains en quête de bonnes affaires, de petits trafics et d’opportunités, vont et viennent sur la plage, le sourire aigu et le regard perçant, scrutant l’horizon pour trouver de nouvelles proies...

Lundi 09 Juillet 01



Mombasa, la ville africaine, égale aux images fugitives qu’elle renvoie lorsqu’on la traverse rapidement. Ville en décrépitude, pourrissante, grouillante, polluante, bruyante. Peu colorée, toute en demi-teintes et bourbiers, insalubre et odorante. Maelström de contrastes, de civilisations et de langues. Foisonnement des marchés, charrettes à eau dans les rues et le long des routes à 15 Ksh ( 1,5 F) le bidon, sculptures à la pièce, conditions rudimentaires dans la poussière et la boue, mendicité, marchands ambulants, haillons et couleurs passées des boubous usagés, lumière des tissus neufs, couturière officiant dans la rue, pluie et stridence des éclats de soleil coupants comme du verre, images à profusion se bousculant, enfermées dans les boîtes kaléidoscopes, à la volée...


Mercredi 11 Juillet 01

L’Afrique, c’est aussi cette plage qui s’étend, longue, douce, pâle et beige.

L’Afrique, c’est encore les longues siestes sous la moustiquaire, aux heures chaudes.

L’Afrique, c’est enfin le matatu ( taxi collectif) que l’on hèle pour 20 Ksh les 5 Km ( 2 F), le bus bondé, ou le chauffeur de taxi individuel à 60 Ksh le kilomètre (6F) qui n’arrête pas de palabrer et de baratiner tout le long du trajet en vous proposant les excursions les plus extraordinaires et les moins chères de tout le Kenya réuni !

Cet après-midi la balade en brousse près d’Ukunda n’a eu de réellement intéressant que le tour de la Primary School sobre de dénuement et de rusticité et la séance chez le grand sorcier emplumé.

L’école est “ obligatoire”, mais reste à la discrétion de la situation pécuniaire de chacun puisqu’ aucun matériel - des stylos aux livres en passant par les cahiers - n’est fourni. En brousse, la construction des locaux demeure l’affaire des villageois. Pas de locaux, pas d’enseignants pour le système du 8 - 4 - 4. Telle est, implicite, la devise. Uniforme de rigueur pour petits et grands.


Dans ce village de brousse de 2500 habitants, une quinzaine de sorciers - plus ou moins grands ! - concourent à l’amélioration corporelle et spirituelle de leurs ouailles. Trois seulement sont reconnus par l’Etat... en vertu de leur réputation et de leur savoir-faire... Celui que nous avons vu officier toutes plumes dehors était un personnage se prenant très au sérieux - marabout oblige - et a même réussi à vendre aux cours des trois consultations qui ont eu lieu : un gri-gri porte-chance et une décoction de massage pour mal inconnu ! Miraculeux !...


La couleur rouge de la terre et la poussière qui vole sans arrêt colorent les jours et les nuits de cette Afrique des profondeurs.

Jeudi 12 Juillet 01

Tranquillité pour ce jour, entre les cocotiers, à dessiner, à lire, à rêver, à ouvrir les portes des songes...


Vendredi 13 Juillet 01

Pirogue, étroite à balancier, telle un cercueil de bois taillé en plein tronc, à voile triangulaire sableuse brûlée par le soleil salé. Et nous rejoignons la barrière de corail. Fonds blancs. Du vent. Eau chaude. Fonds transparents. Faune et flore maritimes des mers du sud. Gorgés de soleil, de sel, de mer.


Lundi 16 Juillet 01

Samedi soir... Sssss... Sssss... Sssss... Vert serpent bananier... Serpent des sables... Marbrure du python des rochers annelé... Sssss... Sssss... Sssss... Etonnement. Douceur satinée et veloutée à la fois. Vipère sablée à ne caresser que des yeux ... Caméléon sommeillant et varan écailleux.


Hier. Une heure de route et de piste jusqu’à l’embarcadère pour Funzi, petite île sur la côte sud à 20 kilomètres de la Tanzanie.

Soleil levant sur la brousse, les forêts de cocotiers, les rizières et les champs de maigrelettes céréales. Villages aux maisons d’argile rouge et aux toits de palmes. Lumière matinale. Cristalline. Vibrante.

Remontée d’une vaste mangrove, fourmillante d’oiseaux et... de crocodiles... quasiment invisibles. Sinon, de loin en loin, des yeux immobiles à fleur d’eau vous dépeçant, ou quelque spécimen au repos sur la berge se fondant à la boue et à la végétation.

Débarquement à Funzi pauvre village de pêcheurs où chacun vaque à ses occupations “ pole, pole”. Tel réparant une barque, telle tressant des paniers de jonc, pendant que d’autres babillent sans fin des mille et une affaires. Longue traversée du village avec tous les commentaires d’usage. Déjeuner de crustacés et de fruits après nous être déchaussés, nous être lavés les pieds dans une grande bassine d’eau froide pour pouvoir marcher pieds nus et propres sur de larges nattes de roseaux. Moment de calme.

A la jonction du large fleuve et de la mer, sur un boutre pensu, rares sont les dauphins pour cette eau encore trop froide. Mais doux au regard, gris pâle métallisé.

Soleil rasant à travers l’Afrique et ses couleurs. Une saveur à part. Inconnue jusque là. Mais un choc aussi.

Afrique - Kenya 01

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